Voici une surprenante nouvelle : East Press, une maison d’édition japonaise, a publié, en version manga, « Mein Kampf », le livre écrit en 1924 par Adolf Hitler.
L’œuvre, vendue à 45 000 exemplaires, est sortie dans la collection « Manga de Dokuha » (« Initiation par le manga ») qui reprend sous forme de BD des textes célèbres. Sur la quarantaine de titres qui la composent, on peut citer « Le Capital » de Karl Marx, « La Divine Comédie » de Dante, « Les Frères Karamazov » ainsi que « Crimes et Châtiments » de Dostoïevski et « Le Rouge et le Noir » de Stendhal.
Cette information arrive en Europe dans un contexte intéressant. Le copyright du livre écrit par le Fürher est, pour l’instant, détenu par le Land de Bavière, qui décide quelles maisons d’éditions sont autorisées à le publier. En 2015, la province allemande perdra toutefois ses droits sur « Mein Kampf », qui tombera alors dans le domaine public. Le gouvernement allemand songe sérieusement à lever dès maintenant l’interdiction de publication de l’œuvre dans son pays. Évidemment, le but étant de favoriser une édition critique commentée à une exploitation propagandiste par un parti d’extrême droite.
Mais revenons à la version manga de « Mein Kampf ». Le ministère des Finances de Bavière (qui est pratiquement le détenteur des droits de publication) a déclaré au quotidien japonais, Asahi Shinbun : « Nous ne pensons pas que le manga soit un média approprié pour présenter de façon critique cette œuvre problématique ».
De son côté, Kosuke Maruo, de chez East Press a affirmé : « C’est un livre célèbre mais rares sont ceux qui l’ont lu. Je pense que c’est un support d’étude pour connaître Hitler, un homme considéré comme le ‘diable’, et quelle sorte de pensée a généré un tel niveau de tragédie ».
Rappelons que ce n’est pas la première fois qu’un mangaka se penche sur Hitler. Tezuka, lui-même avait signé un manga intitulé « L’Histoire des trois Adolf » qui était une vision romancée de la vie de trois Adolf, dont Hitler.
Les spécialistes en civilisation japonaise ne sont vraiment pas surpris de cet intérêt porté à ce genre de livres dans le Pays du Soleil Levant. Le Japon n’a pas fait le travail de mémoire qu’a fait l’Allemagne, et le nazisme n’est pas vraiment un sujet d’études, ici. Il existe une volonté d’oublier le plus vite possible toute cette période noire. Du coup, ces dernières années, un courant révisionniste est très en vogue au Japon. Il remet en cause les atrocités commises par les troupes impériales en Asie.
Certains mangas jouent un rôle décisif dans ce mouvement révisionniste. A savoir la BD de Yoshinori Kobayashi dont les albums appellent à un « nouvel orgueillisme » (shin gomanizumu), néologisme récurrent de ses publications qui connaissent un immense succès. Dans ce contexte, il est possible que « Mein Kampf » version manga, puisse trouver un certain succès et servir comme un support de propagande révisionniste.